Paul D’Haese – «Winks Of Tangency»
À première vue, les photographies de Paul D'Haese semblent nous souhaiter la bienvenue en Absurdie. Elles nous montrent en effet un environnement fait de bric et de broc, avec des maisons aux pignons aveugles, des portes de garages mal placées et des feux de signalisation perdus au milieu de nulle part. À y regarder de plus près cependant, ces endroits qui nous paraissent si biscornus de prime abord ne doivent rien au hasard.
En lisière des grandes cités et de leurs plans urbanistiques au cordeau, ils ont ceci en commun d'échapper – à tout le moins provisoirement – à la convoitise du marché et donc au mode d'organisation habituelle du territoire que celui-ci impose. Ils ne sont donc pas le fruit d'un manque de logique, mais la conséquence du choix clair et assumé du profit à l'exclusion de toute valeur morale. Ils ne procèdent pas de l'irrationalité, mais du désintérêt évident du monde économique, ainsi que du monde politique qui est censé le réguler.
Si les lieux divers qui se succèdent (ici) peuvent nous paraître illisibles, voire aberrants, c'est tout simplement parce que leurs formes ne répondent pas aux codes esthétiques dominants. Ou, plus précisément, au langage architectural et urbanistique des dominants. Celui de l'aménagement planifié – zones résidentielles, commerciales ou industrielles – qui pousse l'avantage des intérêts financiers dans le territoire. Celui d'un ordre rationnel d'autoroutes et de lotissements dont le vernis moderne, par contraste, rend caduque l'environnement qu'il bouscule.
Ce que décrivent donc en creux ces zones incertaines – terrains vagues, arrière-cours, parkings vides et vitrines closes – c'est le monde idéal mis en images par les publicitaires et proposé en modèle à une population qui ne pourra jamais y accéder. Ce que raconte par antiphrase cet envers du décor terne, c'est le décorum clinquant du consumérisme, l'appât séduisant du commerce. (…)
Jean-Marc Bodson
Marie Mons – «I’ll Be Your Mirror»
J’aime mettre la photographie au centre de mes expérimentations.
Ayant souffert du regard des autres, l’autoportrait me permet une distanciation.
En explorant des territoires vierges, j’offre quelque chose d’autre percevoir, ainsi j’affirme le droit la différence. En m’inspirant des contes et légendes, de ma vie personnelle et de mes fantasmes, j’ai mis en scène l’eau et le sacré comme un moyen de revenir à la source de l’identité. Hors du temps, c’est une genèse que l’on découvre au fil de l’eau, son reflet comme miroir de soi-même au travers de l’autre. Seul le déclencheur souple me raccroche à l’appareil autant qu’à la réalité ordinaire, me mettant dans la position de créatrice d’un monde où la différence devient la norme.
Ces photographies argentiques ont été créées et en partie produites pendant les Rencontres de la Jeune Photographie Internationale organisées par le Centre d’Art Contemporain Photographique Villa Pérochon, Niort, France. Le Parc Naturel du Marais Poitevin à proximité a constitué le décor principal de cette série.
Marie Mons
Le dossier de Marie Mons a été remarqué par le jury lors de l’édition 2019 des Propositions d’artistes, appel projets annuel organisé par Contretype.
Florine Thiebaud – «Breaking Point»
Florine Thiebaud présente à la Galerie Contretype son récent projet «Breaking Point»,
traitant de l’exil.
Sur les îles grecques, la photographe rencontre des personnes en attente de papiers avec qui elle reste en contact et qu’elle retrouve à plusieurs moments en 2018 et 2019.
La jeune photographe peut ainsi suivre l’évolution de leurs demandes d’asile et démarches administratives.
Sait-on à quel point un dossier en attente de traitement peut marquer le temps et les corps?
Florine Thiebaud rend palpable cette interminable pause dans le mouvement de la vie. L’espoir survit tant bien que mal, dans la monotonie et l’expectative.
Le temps stagne, l’ennui grandit et les mêmes jours se répètent, encore et encore, jusqu’à l’hypothétique décision finale. L’absence de progression se traduit sur les corps et l’incompréhension se mêle à l’angoisse présente en chaque esprit. Entre expression de la lassitude et signes de tension, les cadrages serrés des portraits veulent individualiser ceux qu’on massifie dans des chiffres et des statistiques.
La photographe ne cherche pas à donner du sens à ce qui n’en a pas, mais plutôt à rendre compte d’un état en suspens, d’un temps d’arrêt, d’un délai qui semble sans cesse postposé, en prise au passage du temps inévitable et intransigeant.
Anne-Françoise Lesuisse
BIP/Biennale de l'Image Possible
Le dossier de Florine Thiebaud a été remarqué par le jury lors de l’édition 2019 des Propositions d’artistes, appel projets annuel organisé par Contretype.
Renseignements pratiques:
Contretype - 4A, Cité Fontainas - B-1060 Bruxelles - Tél.: (+32) (0)2 538 42 20
contretype@skynet.be - www.contretype.org
Ouvert du mercredi au vendredi de 12 à 18H, samedi et dimanche de 13 à 18H (fermé les jours fériés)
Entrée libre.